Appliqué au chat, l'examen quelque peu
détaillé de l'anatomie et de la physiologie permet de mieux comprendre les
besoins non seulement viscéraux d'un carnivore strict, mais aussi
comportementaux d'un prédateur sédentaire et solitaire. En effet, ces
qualificatifs hérités des félins sauvages qui furent ses ancêtres se
retrouvent encore aujourd'hui à tous les niveaux de l'organisation anatomique,
physiologique et psychologique du chat Domestiqué depuis peu de temps, si l'on
se rapporte à l'échelle de l'évolution des espèces, le chat est toujours modelé
dans son corps à l'image de sa fonction ancestrale.
L'étude de l'appareil locomoteur comprend
successivement celle du squelette puis celle des muscles. L'ensemble atteint
chez le chat un degré d'adaptation exceptionnel à la chasse, à l'affût en
solitaire. Pour enchaîner ses allures, ou modes de déplacement, le chat ne
dispose pas, contrairement au cheval, de séquences acquises et automatiques dès
la naissance, et, contrairement à l'homme, tout ne nécessite pas pour lui un
long apprentissage
LOCOMOTION
Fort de quelque 250 pièces,
le squelette est, comme pour tous les vertébrés, centré sur un axe principal, la
colonne vertébrale, constituée chez le chat de sept cervicales, treize
thoraciques, sept lombaires, trois sacrées soudées et une vingtaine de vertèbres
coccygiennes. Si cet enchaînement est classique chez les mammifères, la
morphologie de ces vertèbres est plus particulière aux carnivores : vertèbres
cervicales et lombaires volumineuses, aux surfaces articulaires très arrondies,
aux lieux d'insertions musculaires saillants. Ainsi structurées, les vertèbres
du chat peuvent supporter des mouvements amples et puissants, sans dommage pour
elles-mêmes et surtout pour la moelle épinière qui les traverse.
Les vertèbres thoraciques, bien que deux
fois plus nombreuses que les cervicales et les lombaires, ne constituent pas un
segment plus long. Beaucoup plus courtes, elles assurent la cohésion de la cage
thoracique, support de l'appareil cardio-respiratoire. Cette cage est
relativement peu développée chez le chat: celui-ci est plus adapté aux courses
rapides et brèves reposant sur une musculature puissante qu'aux longues
chevauchées exigeantes en oxygène. Bien que plus courtes, les neuf premières
thoraciques se distinguent par un relief médian dorsal très développé et
facilement palpable : le processus épineux. L'ensemble de ces processus forme en extérieur la région du garrot.
La cage thoracique est formée de treize paires de côtes incurvées dont neuf
rejoignent le sternum. Ce sternum possède deux extrémités palpables: le
manubrium sternal au centre du poitrail, et le processus xyphoïde, à l'arrière,
qui sépare région de la poitrine de celle du ventre.
La tête est un ensemble complexe, constitué
d'os plats répartis en deux grandes cavités: la cavité encéphalique et la cavité
faciale. On distingue des os dits « du crâne » (l'os occipital, l'os
pariétal et l'os poral sont les plus connus) et des os dits « de la face »
(maxillaire, frontal incisif, nasal, zygomatique et mandibule, pour les plus
importants). Que l'aspect global de l'ensemble soit toujours globuleux quelle
que soit la race, les os de la face peuvent subir des variations raciales
significatives (le plus souvent par un raccourcissement, très net chez les chats
brévilignes). Les cavités nasales abritent les cornets nasaux, fines lamelles
osseuses dont les circonvolutions complexes et nombreuses sont tapissées des
muqueuses nasales et olfactives. Chez le chat, dont l'odorat est pourtant
développé, ces cavités sont assez réduites, rendant les affections des voies
respiratoires supérieures plus fréquentes et surtout plus graves. Par ailleurs,
le conduit lacrymal (qui doit évacuer les larmes vers les cavités nasales) se
trouve souvent obstrué par un parcours sinueux dans un espace restreint (d'où des écoulements
chroniques des yeux, particulièrement fréquents chez les races
brévilignes).
Le membre antérieur a pour particularité de
ne pas avoir d'articulation vraie avec le tronc: la clavicule est rudimentaire
chez le chat, et la scapula (omoplate) est uniquement plaquée contre le thorax
et n'est maintenue que par de puissants muscles. Cette scapula, grand os plat,
possède un relief palpable, l'épine scapulaire, qui se termine au niveau de
l'épaule par l'acromion, lui aussi palpable. L'enchaînement gauche-droite des
mouvements de la scapula donne aux félins cette démarche à la fois cadencée et
nonchalante qui leur est propre.
L'os du bras, l'humérus, présente un
relief proéminent, le tubercule majeur, qui, avec l'acromion, permet de situer
très précisément l'articulation de
l'épaule à la palpation, une articulation très souple et peu exposée aux
traumatismes. L'ensemble du bras est bien dégagé du tronc, ce qui lui confère
une grande souplesse de mouvement.
L'avant-bras est constitué de deux os plus
ou moins accolés, le radius et l'ulna (cubitus), qui, contrairement à l'homme,
ne peuvent pivoter complètement l'un sur l'autre pour faire tourner la main de
180°, mais peuvent la tourner à 90°, ce qui est suffisant pour jouer avec un
bouchon ou gifler une proie. Le relief le plus important de ces os est
l'olécrane l'ulna qui marque la pointe du coude.
La main est formée du carpe, puis du
métacarpe, et enfin des doigts au nombre de cinq, mais dont le pouce ne possède
que deux phalanges au lieu de trois. La dernière phalange de chaque doigt a la
forme de la griffe qu'elle soutient; elle est reliée à la deuxième phalange par
un petit ligament élastique dorsal qui la rétracte automatiquement en position
relevée aussitôt que la contraction active des muscles fléchisseurs cesse.
Le membre postérieur présente d'abord une
ceinture pelvienne puissante, formée par la fusion de trois os : l'ischium, le
pubis et l'ilium. Les deux ailes de l'ilium s'appuient sur le sacrum et
délimitent la région de la croupe alors que les deux ischiums et les deux pubis
controlatéraux fusionnent, délimitant la paroi ventrale du bassin. Le bassin
s'articule avec le fémur au niveau d'une cavité hémisphérique, l'acetabulum, qui
répond à la tête fémorale. Le fémur, os rectiligne de la cuisse, possède un
relief palpable, le trochanter, situé latéralement à la tête fémorale. Le
grasset, articulation complexe, unit le fémur à l'ensemble tibia et patella
(rotule) d'une part, et à la fibula (péroné), d'autre part. La fibula, très
grêle, n'assure aucun rôle de soutien. Le pied s'organise, comme la main, en
trois segments : le tarse, ensemble de petits os dont le plus latéral (le
calcaneus) fait saillie en arrière du jarret pour former la pointe du jarret; le
métatarse ensuite et les doigts enfin, qui, au nombre de quatre, voient
disparaître le pouce.
LES MUSCLES
ls sont très nombreux (environ 500) et
inégaux quant à leur importance fonctionnelle. Voici les plus importants :
- muscles peauciers de la face : très
fins, situés juste sous la peau, ils impriment au visage son expression. Très
importants dans l'étude du comportement ou en neurologie, ce sont eux qui
permettent de coucher les oreilles, fermer les paupières, montrer les
dents...
- muscles mobilisant la mandibule :
alors que le muscle digastrique fait s'ouvrir très largement la mandibule,
les
temporal, masseter et ptérygoïdien la font se fermer avec une efficacité
redoutable (le temporal est l'un des muscles les plus puissants de l'organisme)
;
- muscles fléchisseurs de !'encolure :
ce sont les muscles braciocéphaliques, stemocéphaliques et cervicaux ventraux.
Nombreux, ils ont des rôles multiples, font pivoter la tête, mobilisent l'épaule
vers l'avant, etc. ;
- muscles extenseurs de la colonne
vertébrale : masse commune des lombes et cervicaux dorsaux, participant
activement à la détente lors des bonds ou des courses; s'ils se contractent
indépendamment du côté droit ou du côté gauche, ils permettent les changements
de direction rapides ;
- muscles fléchisseurs des lombes : les
muscles abdominaux (oblique externe, interne et droit de l'abdomen) et les
muscles psoas; ils sont tout aussi
indispensables à l'expression de la puissance et de la souplesse de la colonne
vertébrale ;
- muscles extenseurs du bras :
brachiocéphalique, supraépineux allongent la foulée en engageant le membre loin
en avant et préparent la réception après un bond;
- muscles fléchisseurs du bras : grand
dorsal, triceps brachial, pectoral tendant chassent le sol en arrière dans les
courses rapides. Très puissants ils participent également au grimper;
- muscles extenseurs de l'avant-bras: le triceps
brachial, muscle le plus puissant et le plus complexe du membre antérieur, assure le rôle
propulseur principal en fléchissant le bras et en étendant l'avant-bras;
- muscles fléchisseurs de l'avant-bras
: biceps brachial et brachial préparent surtout la phase de réception des
membres au sol après la phase active de propulsion assurée par les muscles
extenseurs;
- muscles extenseurs de la main: les
antébrachiaux caudaux mettent la main en position avant le contact au sol. Ils
expriment la faculté du système nerveux central à percevoir la position
instantanée dans l'espace et à orienter de façon réflexe la main ou le pied de
façon adéquate;
-
muscles fléchisseurs de la main : les antébrachiaux caudaux contribuent à
chasser le sol vers l'arrière lors de la propulsion (l'un d'eux, le muscle
fléchisseur profond des doigts, permet au chat de sortir volontairement ses
griffes, maintenues normalement rétractées par un petit ligament dorsal);
- muscles
extenseurs de la cuisse : parmi ceux-ci, les fessiers, très puissants ont un
rôle propulseur primordial ;
- muscles
extenseurs de la jambe : le quadriceps fémoral est en grande partie responsable
de l'amplitude exceptionnelle des sauts;
- muscles fléchisseurs de la jambe :
les muscles dits ischiotibiaux ramènent le membre près du corps après la phase
de propulsion;
- muscles fléchisseurs du pied et
extenseurs des doigts : les tibiaux craniaux comme leur homologue du membre
antérieur, mettent le pied en position avant la prise de contact au
sol;
- muscles extenseurs du pied et
fléchisseurs des doigts : les tibiaux caudaux participent également à la
propulsion, mais sont moins puissants que le quadriceps ou les
fessiers;
- muscles de la queue: ils sont
nombreux à lui donner toute sa mobilité, lui permettant un rôle d'équilibration
et d'expression comportementale très important.
LES ALLURES
Le chat, grâce à l'ensemble de l'appareil
locomoteur, s'anime principalement selon trois allures : le pas, allure la plus lente où il conserve en
permanence trois appuis au sol ; le trot, allure intermédiaire et le galop,
allure la plus rapide.
Si cette classification est satisfaisante
pour le cheval, dont les allures naturelles sont peu nombreuses, elle apparaît
insuffisante pour le chat tant la variété de ses déplacements est grande. Si, en
ligne droite, un chat se déplace effectivement selon ces trois allures, en
situation réelle dans la nature, il bondit, vire à 90° en un mètre, se tapit,
rampe, etc., illustrant ainsi parfaitement la richesse de comportements d'un
prédateur. Néanmoins, chacune de ces allures peut être décomposée et analysée en
termes de mécanique musculaire dont la séquence élémentaire, pour un membre, est
la même quelle que soit l'allure.
Ainsi, si l'on décompose par exemple le galop,
on distingue tout d'abord la phase de suspension durant laquelle aucun membre ne
touche le sol, puis la phase de sustentation durant laquelle le membre antérieur
soutient le corps et prolonge l'élan, enfin la phase de propulsion durant
laquelle le membre postérieur donne l'impulsion dynamique. Si l'on analyse de
plus près chacune de ces phases, on observe que, durant la phase de suspension,
le membre antérieur se prépare à la réception. Le membre est engagé globalement
vers l'avant, afin de chercher l'appui le plus loin possible, par action du
muscle brachiocéphalique qui tire la pointe de l'épaule loin devant, et par
action de tous les muscles extenseurs. Durant la sustentation, le membre
antérieur, tout d'abord, amortit l'appui (flexion des différents rayons osseux),
puis prolonge l'élan par contraction du triceps brachial et des antébrachiaux
caudaux. Parallèlement à ce dernier stade, le train arrière s'engage sous le
corps (flexion de la colonne vertébrale et du bassin par action des muscles
psoas); le membre s'étend afin d'allonger la foulée. La phase de propulsion voit
les muscles les plus puissants de l'organisme entrer en action : fessiers
et quadriceps fémoral. L'extension globale et violente du membre s'accompagne
d'une extension de la colonne vertébrale qui accentue l'impulsion (action de la
masse commune des lombes).
Le trot, allure rarement adoptée
spontanément et longtemps par le chat, sert plutôt et parfois de transition
entre le pas et le galop, dont il se différencie par le fait que l'animal n'est
jamais en suspension vraie. En général, le déplacement des membres se fait par
diagonales (l'avancée de l'antérieur droit est suivie de l'avancée du postérieur
gauche, etc.).
Un mode plus original et tout à fait
spectaculaire de déplacement du chat est le bond : après une longue phase
d'approche en rampant, c'est souvent ainsi qu'il capture sa proie. De plus, pour
grimper ou franchir un obstacle, il peut orienter à volonté ce bond de façon
plus ou moins verticale. Le bond est d'autant plus efficace et long que le
regroupement préalable du corps est important. C'est pourquoi, avant d'effectuer
un saut, le chat adapte sa position, en fonction de la difficulté de la tâche,
en plaçant par petits pas successifs ses postérieurs sous son corps. Il fléchit
conjointement tous les rayons osseux, y compris la colonne vertébrale, afin de
donner plus d'amplitude et donc plus d'efficacité à la détente musculaire. Cette
détente se fait grâce à la contraction simultanée de tous les muscles extenseurs
de la colonne vertébrale et des membres postérieurs. Les membres antérieurs ne
servent pratiquement qu'à orienter le saut au départ et ensuite à préparer la
réception. Lorsque le saut a pour but la capture d'une proie, l'extension
globale des membres antérieurs, qui survient dans tous les cas pour amortir la
réception, s'accompagne de la sortie des griffes.
L'enchaînement
de toutes ces formes possibles de déplacement est sous la dépendance du système
nerveux central, qui adapte des séquences réflexes aux circonstances du milieu
environnant. De ce point de vue, le chat est à mi-chemin entre l'homme et le
cheval.
|